En réunion, à quoi passez-vous votre temps ?

Si je vous pose cette question, vous allez me parler de ce que vous y faites, du contenu. Avez-vous cependant réfléchi à ce qu’il se joue quand vous êtes en interaction avec les autres lors d’une réunion, à ce que vous souhaitez en retirer d’un point de vue relationnel ? Qu’il s’agisse d’une réunion informelle à deux pour échanger sur un projet en cours, ou d’une grande réunion de négociation qui rassemble toutes les parties prenantes, la grille d’analyse est la même.

Connaître les 6 manières de passer du temps en relation avec les autres

Éric Berne, psychiatre et psychanalyste fondateur de l’Analyse Transactionnelle (théorie de la personnalité et des relations humaines), a identifié six manières de structurer le temps relationnel, c’est-à-dire le temps passé en interaction avec les autres. L’intérêt ? Dans chacune des manières de structurer le temps, il y a des bénéfices, qu’il vaut mieux connaître pour les favoriser, et des risques, qu’il vaut mieux connaître pour les éviter ou les réduire.

Analyser de quelle manière le temps relationnel est structuré dans une réunion vous permet :

  • de comprendre comment mettre en place des réunions plus efficaces en termes de productivité;
  • d’éviter la sensation de perte de temps;
  • d’insuffler au contraire plus de lien humain et d’éviter l’effet « machine »;
  • de réfléchir à ce que vous souhaitez en retirer, et d’adapter la nature du temps passé en fonction;
  • dans une réunion d’équipe, de comprendre comment créer du lien et favoriser le sentiment d’appartenance;
  • ou encore d’identifier plus vite les situations de malaise pour pouvoir y mettre un terme.

Prendre conscience du degré d’investissement dans la relation

Les six modes de structuration du temps sont catégorisés par Eric Berne en termes d’intensité dans la relation et dans les échanges de « signes de reconnaissance » (définition ci-dessous). Il n’y a pas ou peu d’investissement émotionnel ou personnel en haut de la flèche ci-après (« retrait », « rituels »), alors qu’il y en a beaucoup dans les phases du bas de la flèche (« jeux psychologiques », « authenticité »), avec le bénéfice ou le risque d’une relation qui nous engage d’un point de vue émotionnel.

Exister aux yeux des autres, un besoin psychologique fondamental de l’être humain

Les « signes de reconnaissance » (« SR » dans la flèche ci-dessus) permettent de se sentir exister aux yeux des autres, besoin psychologique fondamental de l’être humain. Un signe de reconnaissance peut être :

  • verbal ou non verbal (un regard, un geste, un bonjour);
  • positif ou négatif (un compliment, un reproche);
  • conditionnel (sur le faire : « le rapport que vous avez remis n’est pas conforme aux attentes » (négatif), « votre explication était très claire » (positif)) ou inconditionnel (sur l’être : « vous n’êtes pas à la hauteur de nos attentes » (négatif), « je ne sais pas comment je ferais sans vous » (positif)).

Même négatif, le signe est une façon d’octroyer une importance à l’autre personne : mieux vaut un signe négatif que pas de signe du tout ! Un exemple délétère pour la relation ? L’associé ou le patron qui ne dit pas bonjour quand il croise un de ses propres collaborateurs.

Détenir les clés pour réussir une réunion

La réussite d’une réunion va (entre autres) dépendre de la manière dont vous allez la structurer et appliquer ces six modes, si vous en êtes le chef d’orchestre :

  • Au démarrage d’une réunion, vous allez dire bonjour d’une certaine manière codée : serrage de mains, simple hochement de tête ou bonjour lancé à la volée ? A chaque entreprise ou milieu professionnel son code social (« rituel »). Certains rituels permettent de créer du lien, d’autres peuvent friser le manque de respect.
  • Ensuite, allez-vous insuffler un moment de discussion informelle pour détendre l’atmosphère et créer un climat favorable (« passe-temps ») ? Sans pour autant que les participants aient l’impression de perdre leur temps.
  • Ou allez-vous descendre directement l’ordre du jour, parler des objectifs (« activité ») ?
  • Saurez-vous impliquer à nouveau ceux qui ont décroché et se sont retirés dans leurs pensées (« retrait ») ?
  • Allez-vous repérer les échanges générant du malaise et faisant en réalité perdre du temps, sous couvert par exemple d’ironie (« jeux psychologiques ») ?
  • Saurez-vous utiliser la posture et les mots justes pour créer des relations authentiques et de confiance (« authenticité ») ?

En séance de coaching individuel ou en atelier-formation, je vous aide à :

  • analyser ce qui se joue dans vos réunions et dans vos échanges
  • décortiquer les problèmes relationnels rencontrés et identifier des solutions
  • vous mettre en action pour faire évoluer la manière dont vous structurez une réunion

Vous aurez ainsi les clés pour des réunions plus efficaces, plus fluides et plus sereines d’un point de vue relationnel !

Annexe : pour en savoir plus

Voici en détail les six manières de structurer le temps relationnel :

Retrait : la personne est présente physiquement, entourée de gens, et ailleurs mentalement, retirée dans ses réflexions, ou elle s’isole volontairement. Aucun engagement relationnel.

  • Risques : ne permet pas de recevoir de signes de reconnaissance. L’excès de retrait peut être un signe d’ennui ou de difficulté relationnelle. Le manque de retrait peut engendrer difficulté à se donner du temps de repos, risque pour la santé.
  • Bénéfices : se ressourcer, libérer son imagination, être en introspection.

Rituels : c’est une manière codée et prévisible d’entrer en relation avec l’autre. Les rituels sont programmés par des normes sociales, culturelles (par ex. : manière de se saluer, ou de commencer une réunion). Chaque groupe a ses propres rituels. Engagement relationnel limité.

  • Risques : insuffisants au développement humain, pauvreté des signes de reconnaissance. Nécessité de connaître les rituels et les accepter, sinon exclusion possible du groupe social.
  • Bénéfices : ouvre le contact, facilite la communication. Permet de donner des repères, sentiment de sécurité et d’appartenance.

Passe-temps : échanges légers, parfois banalités, pour « meubler » le temps ou apprendre à se connaître. Parler de quelque chose sans s’engager dans une action à ce sujet.

  • Risques : les relations qui ne progressent pas au-delà cessent, ou existent dans l’ennui…En cas d’excès de passe-temps : perte de productivité en entreprise, insuffisance de cadre et de règles. En cas de manque : génère une difficulté à passer à un niveau « supérieur » en termes de relation. Risque de se limiter à l’Activité seule.
  • Bénéfices : permet de « recruter » des partenaires d’échanges plus intenses (pour activité, jeux, intimité). Présence (modérée) de signes de reconnaissance.

Activité : La communication vise à atteindre un but commun, les personnes concentrent leur énergie pour obtenir un résultat concret. C’est le niveau de « productivité » du temps relationnel pour l’entreprise : les personnes réfléchissent ou agissent ensemble, échangent des infos dans un objectif commun.

  • Risques : l’excès d’Activité ne permet pas d’établir des relations authentiques avec les autres et peut à moyen ou long terme entraîner une baisse de productivité, un désintérêt.
  • Bénéfices : répond au besoin de réalisation, d’accomplissement, de réussite. Engagement important dans la relation en termes d’énergie.

Jeux psychologiques : échange à la fin duquel au moins l’une des personnes se sent mal à l’aise. Les messages au niveau social ont l’air d’un échange d’informations, car le plus souvent l’enjeu véritable se joue au niveau caché (sous-entendus, allusions, manipulation). C’est un processus inconscient et répétitif.

  • Risques : Intensité élevée du risque relationnel. Peut empoisonner l’ambiance d’équipe et/ou de la réunion, pouvant aller jusqu’à générer des risques psycho-sociaux.
  • Bénéfices : Permet de nourrir le besoin de reconnaissance de manière négative, à défaut de signes positifs. Permet de s’impliquer dans une relation sans aller jusqu’à la relation authentique (intimité).

Authenticité (dénommée « intimité » par Éric Berne) : la communication est ouverte et franche, sans enjeu, basée sur la confiance, le respect et l’acceptation de l’autre ; on entre dans l’intimité. Échanges généralement à deux. La personne prend le risque de se dévoiler. Traduit un niveau de confiance élevé. Échanges rares et de courte durée.

  • Risques : demande beaucoup d’engagement émotionnel et une prise de risque en se dévoilant (risque de trahison ou déception).
  • Bénéfices : répond au besoin de relations authentiques. Échange de signes de reconnaissance positifs et structurants.
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